jeudi 23 février 2012

Riccardo Chailly retrouve l’Orchestre de Paris, avec Maria João Pires en soliste


Salle Pleyel, mercredi 22 février 2012

Photo : DR


Beethoven et Ravel étaient au menu du premier des deux programmes(1) que l’Orchestre de Paris propose avec Riccardo Chailly jusqu’au 29 février(2). Dans la continuité de son intégrale des Symphonies données l’automne dernier dans cette même Salle Pleyel à la tête de son Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, le grand chef italien, qui ne s’était pas produit avec l’Orchestre de Paris depuis 1985, a ouvert ce premier concert avec deux œuvres de Beethoven, une ouverture et un concerto. C’est avec une dynamique et une luminosité toutes rossiniennes que Chailly a brossé l’ouverture en ut majeur les Créatures de Prométhée op. 43 que le maître de Bonn avait destiné au ballet de la cour impériale d’Autriche à Vienne, où la partition en trois actes sera créée au Burgtheater le 28 mars 1801. Tout aussi étincelant et frais, le Concerto n° 2 pour piano et orchestre en si bémol majeur op. 19 de 1795 révisé en 1798 a été interprété avec simplicité et bonhomie par une Maria João Pires souriante et paisible, jouant d’un geste aérien avec une déconcertante souplesse. Du moins est-ce l’impression que la stature posée de la pianiste m’a donnée, puisque, placé du mauvais côté du piano, je n’ai pu voir les mains de la pianiste portugaise courir sur le clavier. En bis, une fois n’est pas coutume, l’Orchestre de Paris s’est joint à la soliste dans le mouvement lent du Concerto pour piano en fa mineur de Jean-Sébastien Bach, où les cordes se contentent sur les neuf dixième du parcours à jouer pizzicato…
Le moment le plus attendu du concert était l’intégrale du ballet Daphnis et Chloé de Maurice Ravel. Œuvre capitale de la musique du XXe siècle, Daphnis et Chloé n’est donnée la plupart du temps que dans l’une ou l’autre (voire les deux) des suites d’orchestre que Ravel en a tiré (la première étant créée dès le 2 avril 1911 aux Concerts Colonne), jouées trop souvent dans un nuancier circonscrit dans un registre se situant au-delà de forte et enlevées dans des tempi excessivement rapides. « Symphonie chorégraphique en trois parties » composée en 1909-1912 à la demande de Serge de Diaghilev pour ses Ballets russes sur un argument de Michel Fokine, chorégraphe de la célèbre troupe, créée dans des décors et des costumes de Léon Bakst au Théâtre du Châtelet le 8 juin 1912 sous la direction de Pierre Monteux avec Vaclav Nijinsky et Tamara Karsavina en solistes, Daphnis et Chloé, à l’instar des Créatures de Prométhée de Beethoven, est un hommage à la Grèce, celle du IIe siècle de notre ère. Il résulte de ce projet l’œuvre la plus développée de son auteur et, sans doute, son chef-d’œuvre. Cinquante-cinq minutes d’une musique où le chœur qui ne prononce que la voyelle « a » tient une place importante, ce qui explique sans doute sa faible présence au concert et, plus encore, à la scène. Loin des réussites majeures de Pierre Boulez à la tête de ce même Orchestre de Paris, l’interprétation qu’en a donné Riccardo Chailly a néanmoins ménagé de beaux moments, mais l’ensemble a manqué d’unité, l’enchaînement des  numéros n’ayant pas assez de cohésion, les séquences étant souvent comme plaquées les unes sur les autres, le discours apparaissant de ce fait trop fragmenté. Le meilleur de cette exécution a été dans l’Introduction, bien que l’on y eût espéré un peu plus d’immatérialité, mais le solo du cor s’est avéré ardemment lyrique et l’entrée des différents pupitres puis celle du chœur ont été judicieusement évocatrices. La Danse religieuse a été embrasée par les cordes (superbes solos de Philippe Aïche - Roland Daugareil était annoncé dans le programme) et les harpes, tandis que les bois ont rivalisé de virtuosité, et que l’ensemble des pupitres se sont déployés à satiété dans cette éblouissante palette instrumentale façonnée par Ravel. Le chœur trop concret n’est pas parvenu à mettre en valeur l’once de mystère qui fait contrepoids à la puissance sonore mise en jeu par la partition (Riccardo Chailly a choisi de soutenir le chœur par les instruments à vent dans l’introduction de la deuxième partie). Le célèbre Lever du Jour qui ouvre la troisième partie a été magnifié par les appels du violon et de la flûte piccolo alors que des profondeurs de l’orchestre les instruments se sont imperceptiblement agglomérés jusqu’à l’apothéose finale d’une puissance expressive trop contrainte, pour finalement se libérer dans la Danse générale qui clôture le ballet, exubérant et riche en couleurs qui aura formé hier soir un étonnant contraste avec la pantomime un peu décousue qui l’aura précédée.  
Bruno Serrou
1) La semaine prochaine, Riccardo Chailly et l’Orchestre de Paris proposent un programme Gershwin, avec, en soliste, le pianiste de jazz Stefano Bollani.
2) A noter que le concert de ce jeudi soir 23 février 2012 est diffusé en direct sur Arte Live Web, citedelamusique.tv et orchestredeparis.com, et sera disponible sur ces trois sites jusqu’au 22 août 2012. Par ailleurs, le concert sera diffusé ultérieurement sur Mezzo.

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