mardi 2 avril 2013

CD : L’œuvre chorale de Wolfgang Rihm par le RIAS Kammerchor




Wolfgang Rihm est parmi les compositeurs allemands vivants l’un des plus célébrés dans le monde, aux côtés de Helmut Lachenmann. Créateur prolifique, ne se consacrant qu’à la composition et à la pédagogie, joué dans le monde entier, Rihm est à 61 ans à la tête d’une production impressionnante qui compte quelques trois cents œuvres. Au sein de cet abondant catalogue, tous les genres sont abordés, de la musique de chambre à l’opéra, en passant par la symphonie et l’oratorio. 

Depuis l’enfance, la musique chorale fascine Wolfgang Rihm. « Jeune, chantant dans des chœurs, je voulais écrire une messe pour eux, mais c’était trop compliqué pour mon âge », me disait-il voilà quelques années. Catholique de confession, élève de deux grands mystiques, Karlheinz Stockhausen et, surtout, Klaus Huber, il ne s’est pas intéressé aux questions de spiritualité du début des années 1970 à la fin des années 1990, pour y revenir au contact d’amis et de se plonger dans les textes liturgiques en vue d’œuvres d’inspiration sacrée. 

Le disque que propose Harmonia Mundi réunit trois recueils de pièces chorales, dont deux consacrées à la passion du Christ. Elles témoignent toutes d’un sens très fin et personnel de la fusion d’influences d’époques et de styles divers, qui inscrivent Rihm dans la grande tradition chorale allemande. Les plus anciennes de ces pièces, les cinq motets pour chœur mixte a capella Fragmenta passionis, émanent d’un compositeur de seize printemps ouvert et original, qui expérimente une notation novatrice et laisse la bride sur le cou à ses interprètes. L’expression de la foule et de sa violente colère contre le Christ inspirent au jeune Rihm des pages d’une puissance extrême. Composé en 2001 pour petit chœur, violoncelle et deux timbales, Astralis, qui donne son titre au disque, est une méditation lente sur l’idée exprimée dans le poème éponyme de Novalis (1772-1801). Le poète, dont un certain nombre de vers ont partiellement inspiré à Richard Wagner son Tristan und Isolde, prévoyait « un futur étrange, merveilleux, chatoyant », bien que sa vision soit tragique, comme l’atteste cette phrase merveilleuse : « le corps dissout en larmes ». Considérant cette anticipation d’un sombre avenir, Rihm a conçu une musique hymnique à laquelle le violoncelle ajoute sa voix, tour à tour chantant et sanglotant. Les deux timbales restent dans l’ombre, leur son à peine perceptible, mystérieux, à la façon des grondements d’un orage lointain. Sieben Passions-Texte (Sept textes sur la Passion) pour six voix a capella date de 2001-2006. A presque quarante ans de distance, ces superbes méditations attestent d’une pérenne proximité du compositeur avec les maîtres du passé, par la couleur, les structures formelles, l’écriture, la façon dont les voix concertent et se répondent et qui n’est pas sans rapports avec Palestrina. 

Cette musique délicate et éthérée, d’une expressivité intense quoique pudique et introvertie, est d’une beauté confondante. Sous la direction par Hans-Christoph Rademann, le RIAS Kammerchor, remarquablement soutenu dans Astralis par deux musiciens de l’Ensemble MusikFabrik de Vienne - Rie Miyama (percussion), Dirk Wietheger (violoncelle) - offre de ces œuvres une interprétation remarquable de fluidité, d’engagement et d’humilité, confinant ces pages au rang de purs joyaux, dans la continuité de la tradition multiséculaire du chant liturgique. Un disque à garder précieusement et à écouter et réécouter à satiété, tant il en émane de plénitude et de rayonnement. 

Bruno Serrou

1CD Harmonia Mundi HMC 902129

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