jeudi 31 octobre 2013

Première apparition de Matthias Pintscher à la tête de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris à Bastille, où il avait donné en 2004 en création mondiale son opéra l’Espace dernier

Paris, Festival d’Automne, Opéra Bastille, mercredi 30 octobre 2013

Matthias Pintscher (né en 1971). Photo : DR

Le nouveau directeur musical de l’Ensemble Intercontemporain, Matthias Pintscher, était hier l’invité de l’Orchestre national de l’Opéra de Paris, dans le cadre du Festival d’Automne. Occasion pour lui de diriger son premier concert symphonique à la tête d’un orchestre parisien, sous le regard vigilent du directeur musical de l’Opéra de Paris. Au programme, deux œuvres du début du XXe siècle encadraient l’une des partitions du chef d’orchestre compositeur allemand, conçue en 2012 pour le Festival de Lucerne.
En ouverture de programme, Im Sommerwind d’un Anton Webern de 21 ans à l’écriture et au temps déjà maîtrisés dont Matthias Pintscher a su souligner la diversité des plans et des couleurs, mais n’est pas parvenu à donner à l’œuvre l’unité d’un poème symphonique ni, surtout, la sensualité dans l’esprit de Richard Strauss d’un Webern encore en plein postromantisme, tirant l’œuvre vers ce qu’elle a de porteur dans le pointillisme et l’austérité des lignes propres au Webern de la maturité. Fraîchement accueillie par le public, cette page de douze minutes inspirée d’un poème de Bruno Wille trop pesamment interprétée considérant son inspiration extatique et voluptueuse, a préludé à la partition de Matthias Pintscher, Chute d’étoiles, suscitée par une installation monumentale que le plasticien allemand vivant en France Anselm Kiefer, à qui Pintscher rend ici hommage, réalisa en 2007 au Grand-Palais.
Anselm Kiefer (né en 1945), Chute d'étoiles (2007) au Grand Palais à Paris. Photo : DR
Se présentant sous la forme d’un double concerto pour deux trompettes et grand orchestre, Chute d’étoiles est une œuvre tellurique d’une force dramatique saisissante, à l’instar de l’image apocalyptique qui émane de l’œuvre de Kiefer qui l’a inspirée, une tour de béton de dix-sept mètres réduite à l’état de gravas. L’exaltation y est souvent portée à son comble, au point que le chef-compositeur a lâché sa baguette lors d’une apnée et l’un des trompettistes a fait tomber une sourdine trop promptement portée à l’embouchure de son instrument, tous deux ramassant néanmoins prestement leurs accessoires respectifs, tandis que les cuivres de l’orchestre n’ont pu maîtriser toutes leurs attaques. L’œuvre commence sur un big-bang de l’orchestre entier qui exhale son hallucinante énergie sur la pièce entière, l’emplissant de soubresauts d’une violence extrême que ponctuent des phases de rémission d’où émergent les deux instruments solistes, dont la partie, extrêmement virtuose, use de tous les processus de jeu et de tous les procédés d’écriture à la disposition du compositeur, dont l’expérience de la direction d’orchestre s’exprime ici dans toute son évidence dans cette œuvre impressionnante de maîtrise et de puissance. Les deux solistes, l’allemand Reinhold Friedrich et le français Marc Geujon, trompette solo de l’Orchestre de l’Opéra, ont en revanche imposé leur virtuosité et l’éclat de leurs sonorités. 
Orchestre de l'Opéra national de Paris. Photo : (c) Opéra national de Paris, DR
 
Devenu trop rare au concert dans sa forme originale de ballet intégral créé à l’Opéra de Paris par les Ballets Russes de Serge Diaghilev le 25 juin 1910, l’Oiseau de feu d’Igor Stravinski  était fort attendu, hier. Il aura pourtant déçu. Matthias Pintscher, oubliant tout ce que la partition doit à Claude Debussy, a en effet trop systématiquement découpé cette première grande partition du compositeur russe en plans-séquences, au point d’annihiler unité et progression dramatique, et d’égarer parfois l’orchestre, qui en a oublié son moelleux, ses rondeurs et son fondu habituels, et dont les cuivres ont semblé perdre terre en plusieurs occasions. Mais cette prestation ne remet pas en question les qualités de chef d’orchestre de Matthias Pintscher, qui a eu plusieurs fois l’occasion de démontrer son savoir-faire, ni celles de l’Orchestre de l’Opéra de Paris, qui ne cesse de prouver ses mérites.
Bruno Serrou

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