mercredi 1 octobre 2014

"Un bal masqué" de Verdi d’une grande efficacité du Théâtre du Capitole de Toulouse réunit une distribution jeune et homogène à majorité slave

Toulouse, Théâtre du Capitole, mardi 30 septembre 2014

Giuseppe Verdi (1813-1901), Un ballo in maschera. Dmytro Popov (Riccardo), Keri Alkema (Amelia). Photo : (c) Patrice Nin

Malgré sa popularité, Un bal masqué est l’un des opéras de la maturité de Giuseppe Verdi les plus rares à la scène. Pourtant, la France l’a découvert dès janvier 1861, au Théâtre Italien à Paris, deux ans tout juste après sa création au Teatro Apollo de Rome. Adapté d’Eugène Scribe, le livret d’Antonio Somma s’inspire de l’assassinat du roi Gustave III de Suède au cours d’un bal masqué à l’Opéra royal de Stockholm en 1792, événement qui avait déjà inspiré DFE Auber pour son opéra Gustave III ou le Bal masqué. La censure italienne, qui jugea le sujet amoral, obligea Verdi à transposer son action à Boston au XVIIe siècle et à faire du roi suédois un gouverneur britannique. La partition d’Un bal masqué marque une rupture avec celles qui la précède dans la création verdienne et annonce l’ultime Verdi.

Giuseppe Verdi (1813-1901), Un ballo in maschera. Julia Novikova (Oscar), Dmytro Popov (Riccardo), Choeur d'hommes du Capitole de Toulouse. Photo : (c) Patrice Nin

Vincent Boussard a cherché à traduire dans sa mise en scène l’universalité du propos, en le plaçant autant dans notre siècle que dans celui de l’époque du drame. Défaits de tout manichéisme, les personnages sont complexes, et la direction d’acteur les rend tous attachants. Bien éclairés par Guido Levi, les décors de Vincent Lemaire sont simples et efficaces, et ne trahissent pas l’économie de moyens. L’action se déploie dans une boîte noire qui se fait parfois blanchâtre, avec quelques projections d’un portrait gris d'un jeune homme emperruqué qui se met un instant à pleurer. Quelques éléments de mobilier, canapés, avec, à l’avant-scène un fauteuil rouge omniprésent sur lequel mourra Riccardo, et l’acte du bal est dominé par un lustre gigantesque. Plus dépouillés que de coutume, les costumes de Christian Lacroix - vêtements sombres (smokings-cravates, robes noires, talons hauts) jusqu’au bal du troisième acte (costume et masques XVIIIe siècle) - sont de grande beauté, le noir et le blanc étant traités ici comme s’il s’agissait d’or et de vermillon.

Giuseppe Verdi (1813-1901), Un ballo in maschera. Elena Manistina (Ulrica), Maîtrise du Capitole de Toulouse. Photo : (c) Patrice Nin

Réunissant quatre slaves parmi les sept rôles solistes, la distribution de jeunes chanteurs est d’une totale homogénéité. Elle est dominée par le Riccardo de Dmytro Popov au timbre généreux et à la voix solide et d’une belle musicalité et l’impressionnant Renato de Vitaly Bilyy, baryton noble et rayonnant. Pour ses débuts en France, la soprano américaine Keri Alkema déploie en Amelia une opulente voix de lirico-spinto faite d’ombres et de lumière. Déjà entendue dans ce rôle d’Ulrica à l’Opéra de Paris en 2007 et à Strasbourg en 2008, la mezzo-soprano russe Elena Manistina est une diseuse d’aventure un peu trop imposante et qui a trop tendance à poitriner, la soprano colorature russe Julia Novikova, entendue à Toulouse dans d’excellentes Indes galantes en 2012 est toute de charme et d’éclat dans l’attachant rôle du page Oscar. Le baryton français Aimery Lefèvre (Silvano), son homologue brésilien Leonardo Neiva (Samuel) et la basse russe Oleg Budaratskiy (Tom) complètent avec maestria ce plateau de grande qualité, auquel il convient d’associer les brillants Chœur et Maîtrise du Capitole.

Giuseppe Verdi (1813-1901), Un ballo in mascheraKeri Alkema (Amelia), Dmytro Popov (Riccardo), Choeur du Capitole de Toulouse. Photo : (c) Patrice Nin

Mais le plus frappant est dans la fosse et à l’arrière-scène, avec un Orchestre National du Capitole qui frise la perfection. D’une grande cohésion, alternant sans faillir fougue et onirisme, avec des pupitres solistes d’une plastique somptueuse (cor anglais, clarinette, violoncelle, violon) et des cuivres rutilants, il répond sans faillir aux moindres inflexions de la direction idiomatique du chef israélien Daniel Oren, familier du répertoire lyrique italien que les fidèles de l’Opéra de Paris connaissent bien, s’est illustré en mettant en valeur les passages les plus lyriques, particulièrement le grand duo d’amour Amelia/Riccardo du deuxième acte, tout en restant attentif aux chanteurs.


Bruno Serrou

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