mardi 1 septembre 2015

Festival Berlioz XI : Le Quatuor Zaïde et l’Orchestre d’Harmonie de la Garde Républicaine ont clôt en fanfare le Festival Berlioz 2015 à La Côte-Saint-André

La Côte-Saint-André (Isère), Eglise Saint-André, Chapiteau de la Cour du Château Louis XI, dimanche 30 août 2015

Le Château Louis XI de La Côte-Saint-André. Photo : (c) Bruno Serrou

L’ultime journée de l’édition 2015 du Festival Berlioz a irrigué l’ensemble de la ville natale de celui dont la manifestation porte le nom, Hector Berlioz.

Les steel -drums de Bruno Grare sous la Halle de La Côte-Saint-André. Photo : (c) Véronique Lentieul

Bruno Grare et ses steel-drums, l’Ensemble Tàlcini et sa musique corse

Dès le matin, Bruno Grare et son ensemble de steel drums ont présenté sous la Halle de La Côte-Saint-André et sa vingtaine de stagiaires de tous âges et de tous niveaux, du débutant au percussionniste désireux de se familiariser aux spécificités sonores et au jeu propre à cet instrument, le steel-drum ou tambour d’acier ont présenté le fruit de six jours de formation à un public de curieux qui aura manifesté beaucoup d’intérêt à cette famille d’instruments venus des caraïbes, plus particulièrement de Trinité-et-Tobago. Faits à partir de fûts métalliques de deux cents seize litres, ces instruments à percussion mélodiques conviés à La Côte-Saint-André pour faire écho à la figure centrale du Festival Berlioz 2015, l’empereur Napoléon Bonaparte, dont la première épouse, Joséphine de Beauharnais, était martiniquaise, sont fabriqués à partir de bidons de pétrole, martelés, façonnés, accordés réunis en steelbands qui ne sont pas évidents à jouer. Dans la musique « savante » contemporaine, à l’instar de Pierre Boulez dans sur Incise, de plus en plus de compositeurs utilisent cette famille instrumentale introduites en France dans les années 1980 et popularisées par le défilé du 14 juillet 1989 entre les places de l’Etoile et de la Concorde.

Affiche du Festival Berlioz 2015. Photo : (c) Bruno Serrou

Pendant ce temps, l’Ensemble Tàlcini qui aura animé tous les « after » du festival dans la Taverne Corse, a parcouru le village et ses terrasses de cafés tout l’après-midi durant, jusqu’à l’entrée du premier concert de la journée, donné en l’église Saint-André, qui s’est tenu parallèlement à un récital d’orgue de Maria Magdalena Kaczor en l’église du village de Voiron.

Quatuor Zaïde (Charlotte Juillard et Leslie Boulin-Raulet, violons, Sarah Chenaf, alto, Juliette Salmona, violoncelle). Photo : (c) Bruno Serrou

Haydn et Beethoven par le Quatuor Zaïde

Ce premier concert était confié au Quatuor Zaïde constitué de quatre jeunes femmes qui ont tiré le nom de leur formation de l’héroïne d’un singspiel que Mozart a composé en 1780 probablement inspiré de Zaïre, tragédie de Voltaire, d’où a également été tiré Zaira de Bellini en 1829. Fondé en 2009 par quatre élèves du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, le Quatuor Zaïde, fruit des cours de perfectionnement de ProQuartet-Centre Européen de Musique de Chambre fondé par Georges Zeisel, s’est imposé dès l’année suivante dans le cadre du Concours international de quatuors à cordes de Bordeaux. En six ans, les effectifs n’ont subi que deux changements, exclusivement le poste de second violon. L’osmose entre les quatre membres de l’ensemble d’archets est apparemment totale, cela dans la totalité du répertoire de quatuors, de l’époque classique jusqu’à la création contemporaine, de Iannis Xenakis à Wolfgang Rihm en passant par Jonathan Harvey, avec qui elles ont eu la chance de travailler. C’est pourtant à la seule période classique viennoise que les quatre jeunes femmes ont consacré leur concert de La Côte-Saint-André. De Joseph Haydn - qui leur a valu un premier prix au Concours de Vienne pour la Meilleure interprétation d’une œuvre de Haydn-, elles n’ont pas retenu le Quatuor en ut majeur op. 76/3 Hob. III.77, dit « l’Empereur » parce que le compositeur y reprend l’hymne impérial qu’il a écrit pour le souverain d’Autriche François Ier - il est désormais l’hymne allemand -, qui allait humilier Napoléon Ier, mais le cinquième des « quatuors prussiens », le Quatuor en fa majeur op. 50/5 Hob. III.48 dit « le Rêve » en raison de la douceur de la mélodie du mouvement lent qui s’élève dans l’aigu des cordes. Elles ont donné de ces pages conçues en 1787 une interprétation onirique et élégante, avant de donner du treizième des seize quatuors d’archets de Beethoven, le Quatuor à cordes en si bémol majeur op. 130 (1825), en fait le troisième des cinq derniers quatuors du Titan de la musique si l’on se fie à la chronologie. Construit en six mouvements, ce quatuor dédié au prince Nikolaï Galitzine, comme les quatuors op. 127 et op. 132, est l’un des plus longs de l’histoire du genre, à l’instar de la Sonate n° 29 op. 106 (1817-1819) pour piano écrit dans la même tonalité de si bémol majeur que ce quatuor opus 130. C’est la version originale avec la Grande Fugue finale qui a été retenue par le Quatuor Zaïde. Sous l’impulsion féline et passionnée du premier violon, Charlotte Juillard, les Zaïde ont donné de cette sublime partition une interprétation ardente et puissante, donnant à la pathétique cavatine une tension dramatique déchirante, avant d’offrir une Grande Fugue fulgurante d’énergie et de vitalité, les quatre jeunes femmes ne craignant pas la prise de risques qui rend d’autant plus prégnante la ferveur libératrice de ces pages visionnaires qui concluent ce quatuor à cordes d’une intensité extraordinaire. 


François Boulanger dirige l'Orchestre d'Harmonie de la Garde Républicaine. Photo : (c) Bruno Serrou

Marche funèbre et triomphale de Berlioz par l’Orchestre de la Garde Républicaine et Jacques Mauger

Proposée sous le chapiteau de la cour du Château Louis XI, l’ultime rendez-vous du Festival Berlioz 2015 donné devant un public venu en nombre a été le cadre de la première apparition in situ de l’Orchestre d’Harmonie de la Garde républicaine, héritière de la Garde impériale créée par Napoléon Bonaparte, et de son chef titulaire, François Boulanger. Pour cause « d’astreinte » d’un certain nombre de ses musiciens retenus à Paris pour raison de service officiel, cette formation attachée à la gendarmerie nationale s’est vue contrainte de supprimer de son programme, ce qui a suscité la déception des spectateurs, la « Grande parade de tambours napoléoniens » qui devait ouvrir leur prestation, ainsi que la Marche hongroise de Berlioz sur laquelle devait s’achever la première partie, et remplacer la Danse macabre de Saint-Saëns par la Danse héroïque de ce dernier. C’est donc sur une musique funèbre qu’a débuté la soirée, le Chant funéraire à l’occasion du centenaire de la mort de Napoléon de Gabriel Fauré, suivie par le diptyque de Saint-Saëns Marche héroïque / Danse héroïque, suivi de pages plus ludiques et joyeuses, la Grande Suite de « Carmen » de Bizet et la Joyeuse Marche de Chabrier dans sa version originale. Les pages non expressément écrite pour harmonie ont sans doute arrangé par le chef de la Garde républicaine, François Boulanger.

Jacques Mauger (trombone), François Boulanger et l'Orchestre d'Harmonie de la Garde Républicaine. Photo : (c) Bruno Serrou

La deuxième partie du concert était entièrement consacrée à la Grande Symphonie funèbre et triomphale H. 80 de Berlioz. Cette œuvre en trois mouvements, deux « funèbres » (Marche funèbre en fa mineur suivie d’Oraison funèbre en sol majeur) le troisième triomphal (Apothéose en si bémol majeur), a été interprétée dimanche dans sa version originale créée le 28 juillet 1840 à l’occasion de l’inauguration de la colonne de la Place de la Bastille, c’est-à-dire sans les cordes ni les chœurs sur un texte d’Antoni Deschamps ajoutés deux ans plus tard dans le troisième mouvement. L’exécution sans faille de l’œuvre dès son morceau initial, l’une des pages symphoniques les plus grandioses de Berlioz, a littéralement scotché les spectateurs sur leurs sièges, au point que l’on n’entendit pas la moindre toux ni le plus bref raclement de gorge, et pas même la moindre tentative d’applaudissements intempestifs qui auront régulièrement marqué les pauses entre les mouvements, phénomène intéressant et gratifiant pour les organisateurs comme pour les interprètes tant il indique le succès de la manifestation qui attire un public nouveau peu habitué encore au rituel des concerts classiques. L’Oraison funèbre centrale a été remarquablement « chantée » par le trombone solo qui expose une mélodie venue de l’opéra de jeunesse de Berlioz, les Francs Juges, tenu dimanche par l’excellent Jacques Mauger.

Photo : (c) Bruno Serrou

Les cinquante-sept musiciens (vingt clarinettes de toutes tailles, sept saxophones, un piccolo, deux flûtes, deux hautbois, deux bassons, cinq cors, quatre trompettes, trois trombones, trois percussionnistes, un timbalier, trois tubas ténors, trois tubas barytons, une harpe) ont ensuite offert trois bis festifs, le dernier étant le Vol du bourdon extrait de l’opéra Tsar Saltan de Rimski-Korsakov, qui, loin de la scie que l’on pouvait craindre, s’est avérée volubile et suprêmement mise en place, servie par un orchestre constituée d’authentiques virtuoses de leurs instruments.

Structure (détail) du chapiteau de la cour du Château Louis XI de La Côte-Saint-André. Photo : (c) Bruno Serrou

A l’année prochaine !

C’est sur une ultime animation de l’Ensemble Tàlcini que s’est conclu le Festival Berlioz de La Côte-Saint-André 2015. Edition dont le souvenir restera vivace pendant les onze mois qui nous séparent de celle de 2016, durant laquelle Bruno Messina nous promet l’opéra Benvenuto Cellini de Berlioz en version concert par l’Orchestre Les Siècles dirigé par François-Xavier Roth, en attendant l’édition 2017, qui pourrait être le cadre d’une production concertante de l’œuvre scénique la plus ambitieuse et aboutie de Berlioz, les Troyens, par John Eliot Gardiner et son Orchestre Révolutionnaire et Romantique…

Bruno Serrou


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