lundi 7 août 2017

Walter Levin, fondateur du LaSalle Quartet, est mort à Chicago. Il avait 92 ans

Walter Levin (1924-2017). Photo : DR

Violoniste virtuose américain né à Berlin le 6 décembre 1924, Walter Levin est mort à Chicago dimanche 6 août à l’âge de 92 ans. Son héritage est immense, comme l’écrit Franck Chevalier, altiste du Quatuor Diotima qui a annoncé hier la triste nouvelle.  

Walter Levin (1924-2017). Photo : DR

Walter Levin était le premier violon du célèbre LaSalle Quartet qu’il avait fondé en 1946 et qui s’était dissout en 1988 après un demi-siècle d’activité. Connu pour ses interprétations des quatuors de la Seconde Ecole de Vienne, Arnold Schönberg, Alban Berg et Anton Webern, ainsi que du maître du premier, Alexander Zemlinsky, les LaSalle se sont également imposés par leur lecture pénétrante des derniers quatuors de Beethoven. Levin était aussi un professeur de réputation mondiale. Les plus grands quatuors à cordes internationaux ont été ses élèves, parmi lesquels l’Alban Berg Quartet, l’Arditti Quartet, les Quatuors Artis, Pražák, Vogler, ainsi que la musique de chambre à des musiciens comme le pianiste chef d’orchestre James Levine, le pianiste Stefan Litwin et le violoniste Christian Tetzlaff. Levin a enseigné pendant trente-trois ans à l’Université de Cincinnati, où le LaSalle Quartet était en résidence, ainsi qu’au Steans Institute du Festival Ravinia de Chicago, à l’Académie de Musique de Bâle, ainsi qu’à celle de Lübeck, et dispensait de nombreuses masterclasses, notamment à l’Académie ProQuartet de Paris fondée par Georges Zeizel.

Walter Levin enfant. Photo : DR

Né à Berlin en 1924, il a commencé le violon à l’âge de 4 ans, et devint à 5 ans l’élève de Jürgin Ronis, disciple de Carl Flesh. A 13 ans, il se voit offrir la totalité de la littérature pour quatuor d’archets, de Purcell à Schönberg, ce qui le conduit à vouloir s’attacher au genre sa vie entière. Mais ses parents, mélomanes, l’emmènent aux concerts et récitals des grands musiciens qui se produisent à Berlin, ainsi qu’à l’Opéra. C’est le chant, opéra et lieder, qui l’intéresse le plus. Après la prise de pouvoir par les nazis, ses parents l’inscrivent à l’Ecole Sioniste Theodor Herzl, où il a parmi ses professeurs le musicologue Willi Apel. En décembre 1938, il émigre avec ses parents en Palestine. Il y rencontre le violoniste Bronislaw Huberman et, surtout, le chef d’orchestre Hermann Scherchen, qui lui fait découvrir la musique d’Arnold Schönberg. A Tel-Aviv, il fonde son premier quatuor à cordes ainsi qu’un orchestre de jeunes.

Walter Levin. Photo : DR

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, il se rend aux Etats-Unis, et entre à la Juilliard School de New York en février 1946. Elève d’Ivan Galamian, il le suit à la Meadowmount School of Music jusqu’en 1953. Cette même année 1946, avec l’autorisation du directeur de la Juilliard School, William Schuman, il fonde son deuxième Quatuor à cordes, qui étudie avec la Juilliard Quartet nouvellement fondé et qui prendra bientôt le nom LaSalle Quartet. En septembre 1948, il rencontre Henry Meyer tout juste arrivé de France après avoir survécu aux camps de concentration et qui rejoint le quatuor de Levin dont il devient le second violon jusqu’à la dissolution du LaSalle Quartet.

Une masterclass de Walter Levin. Photo : DR

Levin et son LaSalle Quartet obtiennent leur diplôme de la Juilliard School en 1949. Durant l’été, Levin et Meyer sont rejoints par Peter Kamnitzer, qui  sera l’altiste des LaSalle jusqu’en 1988. En septembre 1949, ils sont mis en résidence au Colorado College de Colorado Springs. Quatre ans plus tard, ils sont appelés comme résidents par le Cincinnati College of Music de l’Université de Cincinnati. En 1955, Jack Kirstein devient leur violoncelliste pour les vingt années suivantes et qui sera remplacé en 1975 par Lee Fiser, élève de Lynn Harrell.

LaSalle Quartet à Cincinnati. Photo : DR

En 1954, les LaSalle font leur première tournée européenne, et participent aux Cours d’été de Darmstadt. Suit une série de commandes à des compositeurs comme György Ligeti, Witold Lutoslawski, Luigi Nono, Krzysztof Penderecki, Henri Pousseur… Leur réputation grandissante conduit en 1971 le label Deutsche Grammophon à signer avec eux un contrat d’exclusivité. Naîtront ainsi l’intégrale des quatuors à cordes de la « Trinité viennoise » (Schönberg, Berg, Webern), ainsi que celle de Zemlinsky qui contribuera à la révélation internationale de ce compositeur juif autrichien mort à New York dans l’anonymat en 1942.

Walter Levin (1924-2017) dispensant un cours. Photo : DR

Tout au long de sa vie, Levin se sera consacré à l’enseignement. Cela dès ses années en Palestine, et même ses quatre années d’études à la Juilliard School. Il est aussi à l’origine des séries de concerts pour jeunes donnés par le LaSalle Quartet, formant les enfants des écoles élémentaires aux arcanes du quatuor à cordes. Après la dissolution du Quatuor LaSalle en 1988, Walter Levin choisit de continuer à enseigner l’art du quatuor au Steans Institute de Ravinia, à l’Académie de Musique de Bâle, à l’Académie de Musique de Lübeck et à ProQuartet à Paris. Parmi ces Quatuors, les Amaryllis, Arco, Ardeo, Ariel, Arpeggione, Artemis, Basler, Benaïm, Bennewitz, Casals, Castagneri, Debussy, Gémeaux, Kuss, Minguet, Pavel Haas, Pellegrini, Viktor Ullmann, Zemlinsky...


Parmi les enregistrements du LaSalle Quartet, tous ont une valeur inestimable. A commencer bien sûr par le coffret de 4CD consacré à la Seconde Ecole de Vienne, le coffret de 2CD des quatuors de Zemlinsky, le Trio à cordes et le Quintette pour piano et cordes de Webern, la Nuit transfigurée et l’Ode à Napoléon de Schönberg, le Quatuor n° 2 de Ligeti, le CD Lutoslawski/Penderecki/Cage/Mayuzumi, les deux Quatuors de Brahms couplés avec celui d’Hugo Wolf, les derniers quatuors de Beethoven, Fragmente-Stille an Diotima de Nono, le tout chez DG. A lire, The LaSalle Quartet, Conversations with Walter Levin de Robert Spruytenburg (Edition The Boydell Press).


Bruno Serrou

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