vendredi 4 mai 2018

Quelques notes sur Arnold Schönberg (1874-1951)


Arnold Schönberg (1874-1951). Photo : DR

Trois ans avant sa mort, fin 1948, Arnold Schönberg écrit dans un texte testament, On y revient toujours : « Le désir de revenir à mon ancien style n’a jamais cessé de se manifester en moi ; force me fut de lui céder de temps à autres. Voilà pourquoi j’écris parfois de la musique tonale. Je n’attache moi-même aucune importance à mes changements de style. Je ne sais pas lesquelles de mes compositions sont les meilleures ; je les aime toutes, parce que je les ai aimées quand je les ai écrites. » Le musicologue allemand H. H. Stuckenschmidt ouvre ainsi son livre monographique Schönberg (Ed. du Rocher, 1951) : « Le génie le plus authentique et le plus volontaire de l’histoire de la musique contemporaine appartient à la petite bourgeoisie autrichienne. »

Haut perchée, la voix d'Arnold Schoenberg avait le timbre clair et légèrement enrouée

Schönberg est un être viscéralement superstitieux. Bien que né à Vienne un dimanche 13 septembre (1874), le nombre 13 le hantait au point de retirer une lettre au titre de l'une de ses oeuvres les plus emblématiques, l'opéra Moses und Aron, retirant un a au prénom Aaron. Il se méfiait aussi des vendredi 13, cela avec raison puisqu'il est mort à Los Angeles le vendredi 13 juillet 1951... à l'âge de 76 (7+6 = 13) ans.

« Les sifflets me révoltent toujours »

Schönberg aime le cinéma, où il se rend souvent. Il admire la beauté naïve des films américains qu’il allait pourtant mépriser lorsqu’il se sera installé aux Etats-Unis. En Californie, il devint un proche de Wilhelm Dieterle. Charlie Chaplin le décrit comme fou de tennis, vêtu de blanc et portant casquette, il était assis aux places à bon marché dans les tournois de tennis auxquels il assistait assidûment. Il est fier des succès de son fils Ronny qui commence à participer à des tournois à l’âge de douze ans.

Dans son Traité d’harmonie, Schoenberg écrit : « Les lois de l’homme de génie sont les lois de l’humanité future. »

Le pianiste et musicologue Charles Rosen écrit dans sa préface à son ouvrage Schönberg (Edition de Minuit, 1979) que Schönberg se considérait comme une force historique inévitable... Il est devenu un classique sans jamais recevoir du public l’accueil unanime accordé à des gens bien moins importants que lui.

En 1945, Schönberg se voit refusée par la fondation Guggenheim la bourse qui lui aurait permis d’achever Moses und Aron et Die Jakobsleiter (L’Echelle de Jacob) ainsi que nombre de travaux théoriques. Le compositeur venait de prendre sa retraite de l’Université de Californie à Los Angeles, où il n’avait enseigné que huit ans, si bien que sa pension se limitait à 38 US$ par mois alors qu’il avait à sa charge sa femme et trois jeunes enfants de 13, 8 et 4 ans. Il fut donc obligé de donner des leçons particulières de composition, ce qui ne lui laissa le temps de n’achever que son ouvrage théorique Structural fonctions of harmony. Durant ses dernières années, Schönberg continuait à susciter l’hostilité, voire une haine quasi sans exemple dans l’histoire de la musique. Il devait reconnaître alors l’importance qu’avait eue sur lui et sur sa musique l’hostilité tout au long de sa carrière. En 1947, le National Institute of Arts and Lettres des Etats-Unis lui accorda une aide de 1 000 US$ généralement concédée aux jeunes compositeurs.

Schönberg savait être brutal et sarcastique, et il estimait ne pas avoir reçu les honneurs qui lui étaient dus. A l’occasion de la réception de sa bourse au National Institute, il avait envoyé un enregistrement qui devait être diffusé à l’assemblée : « J’avais en ce qui me concerne l’impression d’être tombé dans un océan d’eau bouillante ; ne sachant pas nager ni m’en sortir par aucun moyen, j’essayais du mieux que je pouvais avec mes bras et mes jambes. (...) Je n’ai jamais abandonné. Mais comment aurais-je pu abandonner au milieu d’un océan ? »

Schönberg n’a jamais vraiment cherché la polémique, du moins de façon consciente et délibérée. Il avait un sens développé de l’auto-dérision.

La Société d’exécutions musicales privées qu'il avait fondée en 1918 et dissoute en 1921 en raison de l’inflation galopante de la monnaie autrichienne, attira nombre de ses élèves qui y participaient à des concerts généralement donnés le dimanche matin. Les programmes n’étaient pas divulgués à l’avance, sans publicité ni compte rendu dans la presse. Pour Schönberg, cette société était un instrument d’éducation non pas de diffusion, les œuvres pouvaient être répétées autant que nécessaire afin d'être correctement exécutées, retirant ainsi la musique de toute influence commerciale.

Ces mêmes années 1918-1921, et au-delà jusque 1923), ses années de silence, Schönberg travaille sur la mise au point de son système de composition à douze sons dont l’objectif visait spécifiquement à redonner vie au classicisme du passé, tout en en rendant possible un nouveau. Les œuvres charnières sont les opus 23 à 25, qui mettent un terme à un mutisme de près de cinq ans.

Les quatre périodes de Schönberg sont Expressionnisme, Atonalisme, Dodécaphonisme, Néoclassicisme

Né dans une famille juive mais ayant reçu une formation catholique, converti à 18 ans au protestantisme, Schönberg cherchait la difficulté, vivant dans la Vienne à dominante catholique, capitale de l’empire austro-hongrois. Il allait revenir à la confession israélite durant son court exil à Paris en 1933 après avoir quitté Berlin suite à l’avènement du nazisme en Allemagne.

Il a toujours eu des problèmes d’argent.

SA MUSIQUE

1937 : « [Ma Nuit transfigurée] a été très souvent jouée, surtout dans sa version pour orchestre. Mais certainement nul plus que moi n’a entendu proférer avec regret : “Ah, si seulement il avait continué de composer dans le même style !” Ma réponse peut surprendre : je rétorquais : “Mais je n’ai jamais cessé de composer dans le même style et de la même manière depuis mes tout débuts. La seule différence est que je m’en tire mieux maintenant qu’auparavant ; mon œuvre reflète plus de concentration et plus de maturité.” »

1949 : « Des soixante-quinze ans qui viennent de s’écouler dans ma vie, j’ai consacré près de quatre vingt dix pour cent à la musique. J’ai commencé l’étude du violon à huit ans ; je me mis presque aussitôt à composer et je me trouvais en conséquence assez tôt avec un bon entraînement de compositeur. »

1949 : Arnold Schönberg rappelle qu’il avait appris le français enfant avec son oncle poète Fritz Schönberg. Dans son enfance il ne montre pas de passion particulière pour la musique. Celle-ci ne s'affirmera que lorsqu’il scellera une amitié avec trois de ses jeunes contemporains, Oscar Adler, qui lui apprit l’existence de la théorie musicale et dirigea ses premiers pas et stimula son goût pour la poésie et la philosophie. Le deuxième fut David Bach, linguiste, philosophe, mathématicien et musicien à qui il devra cette force morale qui lui a permis de refuser la vulgarité et la popularité de bas étage. Le troisième fut Alexander Zemlinsky. Avant de rencontrer ce dernier, Schönberg avait été un irréductible brahmsien. Mais Zemlinsky sacrifiait également un culte à Johannes Brahms et à Richard Wagner, de telle sorte qu’après cette rencontre, il en vint à servir deux divinités et à composer dans un style qui tenait à la fois des deux avec un arrière-goût de Franz Liszt, Anton Bruckner et Hugo Wolf. « C’est aussi à Brahms que je dois mon attrait pour les nombres impairs de mesures. » Il avoue aussi qu’à l’époque, il était déjà devenu admirateur de Richard Strauss, mais pas encore de Gustav Mahler.

1949 : « J’ai incontestablement atteint l’apogée de mon premier style avec la Symphonie de chambre op. 9, parvenant à établir une interaction étroite associant la mélodie à l’harmonie, l’une et l’autre assurant la fusion des relations tonales éloignées en une parfaite unité. »

1949 : La deuxième période est inaugurée par les Deux mélodies pour chant et piano op.14, les Quinze mélodies d’après le Livre des jardins suspendus op.15 et les Trois pièces pour piano op.11. La légèreté de jugement de ses contemporains lui valut d’être traité d’anarchiste et de révolutionnaire, alors qu’au contraire, écrit-il, « ma musique était le fruit incontestable d’une évolution et n’avait rien de plus révolutionnaire que bien d’autres progrès dont est jalonnée l’histoire de la musique ».


CREER AVEC L’AIDE DE DIEU (1949)

Schönberg est convaincu que l’on peut découvrir dans les œuvres des grands maîtres quantité de passages qui relèvent du miracle, tant leur profondeur est insondable et le caractère prophétique de leur message semble dépasser les possibilités de l’humain. « Je crois qu’une fois que l’on s’est acquitté de sa tâche avec le meilleur de soi-même et que l’on a tout amené à un degré aussi voisin de la perfection que l’on peut humainement le faire, alors le Tout-Puissant intervient avec Sa générosité, qui vient ajouter à votre œuvre des éléments de beauté, que jamais votre seul talent n’eût été capable de concevoir. »

SCHÖNBERG ET ZEMLINSKY

« Un artiste n’a pas besoin de beaucoup penser, si seulement il le fait correctement et sans détours »

Vouloir faire de Schönberg un autodidacte est erroné. Sa mère est issue d’une famille de chantres pragois. Il étudie enfant le violon. Lorsqu’il écrit de sa main, il utilise toujours le style gothique jusqu’à son émigration en 1933 dans laquelle il insère quelques signes graphiques latins. Il apprend facilement le français à l’école, et maîtrisera parfaitement la langue anglaise une fois émigré aux Etats-Unis. Il joue du quatuor à cordes avec l’ami et futur philosophe Oskar Adler, qui adapta pour les besoins de l’ensemble un alto aux dimensions d’un violoncelle sur lequel Schönberg jouait avec les doigtés du violon... doigtés qu’il continua à utiliser même lorsqu'il put s’acheter un véritable violoncelle avec ses maigres économies dans une brocante, après qu’Adler se fut enquis des bons doigtés qu’Adler lui montra. On le voit sur une photo en compagnie de Fritz Kreisler au violon, vêtus tous deux de costumes tyroliens.

Schönberg ne savait pas rester sans rien faire, et avait hérité de sa mère du sentiment du devoir. Son activité n’était pas forcément liée à la musique, ce pouvait être le bricolage. En janvier 1891, son père venant de mourir, il doit quitter le collège et sa mère lui trouve une place de stagiaire à la banque privée Werner & Cie. Le banquier convoque la mère en lui disant qu’il ne savait que faire de son fils qui barbouillait tous les papiers avec des notes de musique, tout en lui conseillant de lui laisser faire de la musique, ce qu’elle finit par concéder. Fou de joie, Schönberg allait organiser un concert chez lui de musique de chambre par semaine. Il resta néanmoins à la banque jusqu’en 1895. Ne voulant vivre aux crochets de sa mère, il prend le poste de chef de chœur dans plusieurs chorales ouvrières, où il fait la connaissance de Zemlinsky avec qui il fonde l’orchestre Polyhymnia qui interprète leurs compositions que Zemlinsky dirige, Schönberg tenant l’unique violoncelle, « qui était entre les mains d’un jeune homme maltraitant son instrument avec autant d’ardeur que de fausses notes » (Zemlinsky). Il orchestre aussi des opérettes, à Vienne et, surtout, plus tard, à Berlin, participant avec Zemlinsky à l’orchestration de Der Opernball de Heuberger dont il instrumente le troisième acte. Sous l’influence de Zemlinsky, il se rend à l’Opéra de Vienne où il écoute plus de vingt-cinq fois chaque opéra de Richard Wagner qui y est produit.

Jusqu’à sa rencontre avec Zemlinsky, Schönberg n’a aucune formation, ni en théorie ni en composition, il cherchait dans le dictionnaire de ses parents la signification des termes musicaux tels qu’allegro de sonate. Cela changea lorsque Zemlinsky l’introduisit à toutes les questions théoriques. Mais d’autres sources d’inspiration influent sur lui, telles la poésie de Richard Dehmel à qui il avouera en 1912 : « Votre poésie a eu une influence sur mon évolution musicale. C’est à travers elle que j’ai pour la première fois ressenti le besoin de chercher un ton lyrique nouveau. »

Tendances naturaliste au début avec la littérature de Richard Dehmel. Libéral sur le plan des mœurs, le poète autrichien publia en 1896 Weib und Welt (Femme et Monde), qui eut une grande influence sur Schönberg à partir de 1897, année de la mort de Johannes Brahms. En 1898, Schönberg se tourne vers la musique à programme inspirée de la littérature, alliant sans problème les univers de Wagner et de Brahms. Premiers lieder publiés en 1904 chez Dreiligenverlag (op. 1 à 3)

Autre influence sur la première évolution de Schönberg. En 1899, son amitié se resserre avec Zemlinsky en tombant amoureux de sa sœur Mathilde à Payerbach (Semmering) pendant les vacances d’été. Les lieder composés sur les vers de Dehmel sont baignés d’ardeur érotique pour cette jeune femme intelligente, musicalement très cultivée et excellente pianiste. C’est à Payerbach qu’il écrit en trois semaines La Nuit transfigurée.

Lorsqu’il quitte Vienne pour Berlin mi-décembre 1901, engagé par Ernst von Wolzogen, auteur du livret de Feuersnot de Richard Strauss, dans son cabaret Überbrettl, sa jeune femme Mathilde est sur le point d’accoucher. Schönberg était engagé comme chef d’orchestre du 16 décembre 1901 au 1er juillet 1902 au Bunte Theater pour 300 marks par mois. En 1904, un an après la signature de son contrat avec Marschalk, Schönberg publie ses premières partitions chez Dreiligenverlag de Berlin : 12 premiers lieder op.1, 2 et 3 et La Nuit transfigurée op.4. Il est à partir du 1er mars 1903 professeur au Conservatoire Stern grâce à une intervention de Richard Strauss alors directeur musical de l’Opéra unter den Linden. Été 1903, Schönberg comprend qu’il vaut mieux pour lui de rentrer à Vienne. Strauss lui obtient une bourse de la Fondation Liszt, qu’il recevra une seconde fois en 1904.

A Vienne, où il s’installe dans le même immeuble que Zemlinsky dès 1903, Schönberg rédige des réductions pour piano à quatre mains. En 1904, il participe avec Zemlinsky à la fondation de l’Association des musiciens créateurs qui organise des concerts de leurs œuvres et celles de leurs contemporains. C’est en 1909 qu’il signe son premier contrat d’édition avec Universal Edition. En 1904, il dispense ses premiers cours privés de composition, recrutant ses élèves par petites annonces de presse. C’est alors qu’il rencontre Anton Webern puis Alban Berg (été 1904). Malgré son indigence, il dispose d’un domestique, ce qui semble normal à Vienne pour un compositeur à l’époque.

IMAGINAIRE EXPLOSIF

La personnalité d’Arnold Schönberg selon H. H. Stückenschmidt fut une synthèse particulièrement complexe d’imagination explosive et de puissante intelligence, combinaison qui fait songer au travail d’un ordinateur. On sait qu’il composa nombre d’œuvres très rapidement et de façon spontanée. « Je n’ai jamais lu de ma vie une Histoire de la musique », écrivait Schönberg dans son Traité d’Harmonie. Il ne cessera pas de se méfier des musicologues.

Arnold Schönberg cherche dans les années 1907-1910 de nouvelles façons de traduire ses visions intérieures, ne pouvant plus canaliser sa puissante volonté d’expression en une seule pratique artistique. Comme Zemlinsky pour la musique, c’est Richard Gerstl qui allait lui présenter la technique de la peinture. Comme son mari, Mathilde devint aussi son élève et, au-delà, son modèle. Gerstl loua un atelier dans le même immeuble que le couple Schönberg. Le compositeur se détourna alors avec la peinture des réalités de la vie et se retira dans un isolement total. Le départ de Gustav Mahler de Vienne en 1907 n’y fut sans doute aussi pas pour rien. C’est à cette époque que Schönberg compose son deuxième Quatuor à cordes op.10, qu’il achève en juillet 1908, alors que se brise son couple, Mathilde fuyant le foyer familial avec Gerstl, avant de revenir sous la médiation d’amis du couple, notamment de Webern. Les deux mouvements chantés constituent le dernier pas dans un univers où la musique refuse tonalité et consonance traditionnelle. C’est peu après (27 septembre) qu’il compose le treizième des quinze George Lieder op.15, première composition atonale de l'histoire. Le 4 novembre, Gerstl se suicide à l’âge de vingt-cinq ans.

Mahler s’enquit de Schönberg jusque sur son lit de mort : « Si je m’en vais, il n’aura plus personne. » Alma se souvint si bien de cette phrase que lorsqu’elle initia la Fondation Mahler, elle fit octroyer à Schönberg une aide plusieurs années de suite. En 1909, c’est Erwartung (Attente), premier opéra de Schönberg, sur un livret d’une étudiante en médecine admise dans le cercle Schönberg, Zemlinsky, Berg, Marie Pappenheim. Schönberg lui demanda d’écrire un opéra, qui devint un monodrame, seul genre que se sentait capable d’écrire la jeune femme. Elle le rédigea en trois semaines, temps également nécessaire à Schönberg pour composer sa partition. Erwartung ne sera créée qu’après quinze ans… d’attente. Autre drame de Schönberg sur la difficulté d’aimer, La Main heureuse, dont Schönberg signe lui-même le livret qui met en scène le génie créateur.

Schönberg retourne à Berlin le 1er octobre 1911. Il y demeure jusqu’au mois de mai 1913; donnant notamment des conférences au Conservatoire Stern sur l’esthétique et la composition. Son renom s’étend alors à travers l’Europe

Schönberg aime la Bavière, où il cherche l"échange intellectuel avec le peintre Vassily Kandinsky, qui vivait à Murnau, ainsi que des membres de la Blaue Reiter

Il invente une machine à écrire la musique qu’il fait breveter en 1909, il s’intéresse à un procédé de polycopie de partitions et de dessins autographes.

Un critique pétersbourgeois décrit Schönberg au pupitre de chef en 1912 dirigeant son Pelléas et Mélisande : « Un petit homme apparut, le regard pénétrant et inquiet, les gestes nerveux, et dominé par une passion démoniaque même dans les instants où il était le plus calme. Il est aussi rapide que le vif-argent, c’est un homme de petite taille qui vous fait penser à un petit Bouddha chinois. On songe aux personnages des contes d’Hoffmann ou des sombres nouvelles d’Edgar Poe.»

SANTE

Schönberg était de santé délicate, de tendances asthmatiques favorisées par l’usage du tabac et une consommation régulière d’alcool. Il ne pensa jamais à se soustraire à ses obligations militaires, patriote, germano-autrichien, il prenait fait et cause pour sa patrie. En août 1946, il tombe gravement malade. On lui fait des injections pour calmer ses fortes douleurs dans la poitrine, et l’une d’elles provoque un évanouissement. Le médecin lui fait une seconde injection, dans le cœur même. Il reprend connaissance. Puis il contracte une pneumonie. C’est alors qu’il commence son Trio à cordes op.45 qu’il termine le 23 septembre. Le 2 août 1950, il relate sa maladie. Son asthme s’est transformé quelque peu. « Je n’ai pas de crise grave, mais le manque de souffle est plus ou moins chronique… Depuis quelques mois, je n’ose plus dormir dans mon lit, mais dans un fauteuil. Divers traitements m’ont été appliqués. J’ai suivi un traitement pour le diabète, la pneumonie, les reins, la hernie et l’hydropisie. Je souffre d’asthénie et de vertiges, et mes yeux, autrefois très bons, s’adaptent difficilement à la lecture. »

RELATIONS AVEC COMPOSITEURS AUTRES QUE CEUX DE SON ECOLE

Relations avec Richard Strauss, admirations pour Gustav Mahler, relations avec Ferruccio Busoni avec une correspondance à partir de 1903 et à qui il succède en 1924 à la tête d’une classe de composition à l’Académie de Musique de Prusse à l’appel du Pr. Leo Kestenberg et de son compatriote et partenaire de tennis Franz Schreker, alors directeur de l’institution prussienne et qui devait le rester jusqu’en 1933. Rend visite à Gian Francesco Malipiero, Alfredo Casella, avec qui il allait polémiquer en 1934, de Giacomo Puccini, qu’il rencontre à la première florentine de Pierrot lunaire, il parle de lui comme d'un grand homme. George Gershwin, qu’il fréquente assidûment à partir de 1936 et qui allait peindre son portrait, est aux Etats-Unis son partenaire de tennis. Il lui voue un amour quasi paternel. Il joue beaucoup Béla Bartók dans le cadre de sa Société, et Paul Hindemith pour le talent de qui il éprouve de la sympathie. Il polémique avec Igor Stravinski (Trois Satires op.28, 1925), qui avait déclaré ne vouloir composer que pour le présent alors que d’autres s’épuisaient à écrire celle de l’avenir, critiquait Ernst Krenek, qui s’en prenait à la musique légère. Il reçoit beaucoup Edgar Varèse lorsque celui-ci vit à Los Angeles, jusqu’en 1940. Toujours à Los Angeles, il fréquente Otto Klemperer, avec qui il se fâche brièvement. Franz et Alma Werfel, Albert Einstein, Thomas Mann. Darius Milhaud, qu’il avait connu avec Francis Poulenc à Vienne, et qui avait donné la première française de Pierrot lunaire, Bertolt Brecht, Charles Chaplin, qui disait admirer sa musique.

RELIGION

Schönberg est un être profondément religieux. L’idée dominante de son existence fut l’union de l’homme avec Dieu. De L’Echelle de Jacob, esquissée en 1915 et abandonnée en 1917 à la suite de son  appel sous les drapeaux, au dernier Psaume inachevé, c’est le thème sur lequel il est toujours revenu. Lettre à Kandinsky, 20 juillet 1922 : « Ce que je veux dire dans mon poème L’Echelle de Jacob (en fait un oratorio) pourrait vous le dire le plus clairement : je veux parler de la religion. Durant toutes ces années, elle a été mon unique soutien - que cela soit dit ici pour la première fois. » Quelques mois avant sa mort, le 20 avril 1951, il s’adressait en ces termes au Dr. Georg Wolfson de Jérusalem : « Il m’apparaît que le temps de la foi stérile en la science est enfin passé maintenant - il l’est pour moi depuis plus de quarante ans. »

Élevé par une mère juive et pieuse et par un père libre penseur. En 1891, dans une lettre à sa cousine Malvina Goldschmied, il se déclare incroyant tout en défendant la Bible. Parmi ses amis de jeunesse, le chanteur Walter Pieau, qui chante ses lieder ainsi que ceux de Zemlinsky, et qui est protestant. Il semble que sous son influence Schönberg se soit profondément intéressé à la religion chrétienne et aux dogmes du protestantisme. Il abandonne la foi de ses ancêtres le 21 mars 1898 (état civil de Vienne), et il est baptisé quatre jours plus tard.

L’Echelle de Jacob : livret esquissé en janvier 1915 terminé le 26 mai 1917, musique amorcée le 19 juin 1917. « Cet évangile, ce jugement de Dieu. Cette synthèse d’une immense expérience, d’une foi incroyable. Le dernier grand discours de Gabriel est la solution pour tout. Le sommet de l’intuition humaine jusqu’à présent » (lettre à Anton Webern, octobre 1917). Restée inachevée en 1922, l’œuvre occupe une clef de voûte dans l’évolution complexe de Schönberg qui va de l’atonalité libre à la série dodécaphonique avec des retours à la tonalité.

Le 24 juillet 1933, après trente-cinq ans de christianisme, au cours d’une cérémonie qui se déroule dans la plus stricte intimité à la synagogue de la rue Copernic à Paris, avec le peintre Marc Chagall pour parrain et témoin, Schönberg retourne solennellement à la foi de ses ancêtres, conséquence immédiate des persécutions raciales nazies qui ont abouti à l’expulsion de Schönberg de son poste de professeur à l’Académie de Musique de Prusse et à son départ précipité pour l'exil. Ce retour avait pour Schönberg tout autant la signification d’un acte de solidarité et d’appartenance à un peuple que celui d’un acte de foi individuel. Mais le nazisme n’est qu’un détonateur, car Schönberg a longuement mûri sa décision. Ce qu’atteste le compositeur : commentant cette conversion le 16 octobre 1933, il écrit à Alban Berg : « Comme tu l’as certainement remarqué, mon retour à la religion juive s’est fait il y a longtemps et il apparaît dans mon œuvre, y compris dans certaines pièces publiées comme Du sollst nicht, du musst... » - second des Quatre chœurs à capella op.27 dont le texte est de Schönberg lui-même, véritable profession de foi : l’idée du peuple juif, peuple élu qui ne cessera de hanter Schönberg, qui considère cette élection comme un redoutable privilège, celui de la vocation messianique d’un peuple appelé à témoigner devant les autres peuples de l’existence du Dieu unique et à en subir toutes les conséquences - « et dans Moses und Aron, dont tu connais l’existence depuis 1928, mais dont la conception première est au moins de cinq ans plus ancienne ; enfin, et tout particulièrement, dans mon drame Le Chemin biblique, conçu lui aussi au plus tard en 1922 ou 1923, mais terminé seulement en 1926-1927. » Der biblische Weg est en effet une œuvre-témoignage capitale de la pensée messianique de Schönberg. Le 3 octobre 1928, il commence le livret de Moïse et Aron, inspiré de L’Exode et des Nombres, et l’achève le 16 octobre. Les premières esquisses musicales datent du 7 mai 1930, le premier acte, commencé le 17 juillet 1930, est achevé le 14 juillet 1931, le deuxième acte, commencé le 20 juillet, est terminé le 10 mars 1932. Schönberg retouche le livret du troisième acte, d’abord daté New York 21 juin 1934, puis Hollywood le 5 mai 1935. Jusqu'en 1950, il conservera l'espoir d'aller jusqu'au bout de son opéra.

Malgré son retour au judaïsme, Jésus restera pour Schönberg, selon ses propres termes, « sans aucun doute l’être le plus pur, le plus innocent, le plus désintéressé, le plus idéaliste qui ait jamais vécu sur cette terre : sa volonté, toute ses aspirations étaient uniquement fixées sur le seul but de sauver les hommes en les conduisant à la vraie foi en l’Unique, Eternel et Tout-Puissant. »

Avant sa mort, à partir du 29 septembre 1950, Schönberg travaille sur un recueil de « Psaumes, prières et autres conversations avec et sur Dieu, traitant des problèmes religieux de nos contemporains. » Le 3 juillet 1951, il pose sa plume dix jours avant sa mort, laissant le seizième de la série inachevée, alors qu’il n’avait mis en musique que le premier d’entre eux, le Psaume 151, ce qui démontre sa volonté de poursuivre les Psaumes là où le roi David les avait laissés.

SIONISME

Schönberg s’attribue un rôle messianique : « Je veux susciter un mouvement qui fasse à nouveau des juifs un peuple, et qui les unisse en un Etat sur un territoire déterminé et précis. Pour cela, il faudra se servir de tous les moyens connus dans l’histoire [...] en prenant en considération les devoirs imposés au peuple juif par sa condition particulière de peuple élu de Dieu, de peuple destiné à préserver une pensée, la pensée du Dieu unique et inconcevable. Il faut pour cela un homme qui soit prêt à se précipiter la tête contre les murs [...] Je me suis décidé, faute de mieux, à être celui qui commencera. En tout cas, les gens savent que j’ai passé ma vie à me précipiter contre les murs, et ils peuvent voir que ce faisant je n’ai pas succombé. » (Lettre circulaire de Schönberg envoyée durant l’été 1933 aux musiciens juifs de par le monde.)

1937, Projet de symphonie pour orchestre en quatre mouvements dotés de titres apologiques du peuple juif. Du 1er au 8 septembre 1938, il compose Kol Nidre, commande de la synagogue de New York, prière de réconciliation récitée le jour du Grand Pardon (Yom Kippour). Neuf ans plus tard, sous l’impact effroyable des massacres nazis et du récit de l’un des rares rescapés du ghetto de Varsovie, Schönberg écrira l’œuvre-cri Un Survivant de Varsovie, qui se termine sur le chant du Schema Israël. Enfin, en 1948, c’est la concrétisation de l’événement tant attendu par Schönberg, la création de l’Etat d’Israël. Toutes ses dernières œuvres sont déterminées par cet événement dont il ne saurait dissocier les dimensions spirituelles de la dimension nationale. En avril 1949, il met en musique Dreimal tausend Jahre op.50a qui célèbre la résurrection de Jérusalem et les chants depuis longtemps oubliés annonçant le retour de Dieu. Mi-juin, il commence sans l’achever Israel exists again, dont il signe cette fois les paroles. Il dédie à l’Etat d’Israël le De Profundis (Psaume 130) op.50b pour chœur a capella publié par les Editions musicales d’Israël à Tel Aviv. Au printemps 1951, il est nommé président d’honneur de l’Académie de Musique d’Israël à Jérusalem. Seul son âge avancé et surtout sa santé l’empêchent de se rendre en Israël.

ARMEE

Arnold Schönberg fut appelé deux fois sous les drapeaux. Admis le 15 décembre 1915, il se voit accordé un congé en août 1916, puis il est rappelé le 19 septembre 1917, mais définitivement exempté le 7 décembre 1917. L’effondrement de toutes les valeurs durant la guerre lui montre l’impuissance de la pensée, de l’invention et de l’énergie. Pendant ces années, comme il l'écrivait en 1922 au peintre russe Vassily Kandinsky (1866-1944), la religion fut son seul soutien. La guerre le conduit à la dépression.

PEDAGOGIE

En 1917, l’activité pédagogique conduit Schönberg à développer une analyse pratique faisant découvrir, pas à pas, la substance sonore d’une œuvre au cours de répétitions. Il organisa une série de dix répétitions publiques de sa Symphonie de chambre devant un parterre de gens qui avaient pu acheter la partition en souscription à prix réduit. Il dispense un séminaire de composition dans les écoles Schwarzwald durant la saison 1918-1919 à cinquante-cinq personnes dont vingt-sept femmes et deux mineurs (Max Deutsch et Viktor Ullmann en sont). A la Société d’exécutions musicales privées fondée le samedi 23 novembre 1918, Schönberg nomme ses élèves Anton Webern, Alban Berg et Eduard Steuermann aux postes de conférenciers. Schönberg y développe méthodiquement l’expérience des dix répétitions de sa Symphonie de chambre. La finalité est de former à l’écoute et à la compréhension de la musique nouvelle. Toute la musique moderne, « tout ce qui a un nom ou une physionomie ou un caractère », de Gustav Mahler et Richard Strauss aux compositeurs les plus jeunes, est susceptible d’être joué. Les auditions avaient lieu une fois par semaine sous la forme de réunions privées devant les seules personnes en possession d’une carte de membre. Toute manifestation d’approbation ou de désapprobation était interdite. A la fin de la première saison, en juin 1919, quarante-cinq œuvres ont été données en vingt-six soirées. Dix à trente répétitions précédaient chaque concert. En avril 1921, deux cent vingt six œuvres avaient été jouées. Au cours de la saison 1921-1922, la société quitte Vienne pour Prague, principalement à cause de l’inflation qui frappait alors l’Allemagne et l’Autriche.

« Les cours de Schönberg étaient collectifs, se souvenait son élève Max Deutsch (1892-1982). Ils avaient lieu au moins deux fois par semaine. Schönberg était assis au piano, nous formions un demi-cercle autour de lui et nous lui montrions nos compositions qu’il corrigeait et commentait. On accédait à son appartement par un escalier ; l’entrée était gardée par Wulli, le grand berger allemand (qui d’ailleurs ne mordait que les idiots, pas les gens intelligents). »

Le 1er octobre 1925, Arnold Schönberg succède à Ferruccio Busoni au poste de professeur de composition à l’Académie des Arts de Berlin. Les classes de composition de Berlin occupaient le plus haut rang dans la hiérarchie de l’enseignement de la musique en Allemagne. Le 10 janvier 1926, il trouvait parmi ses élèves Walter Goehr, Roberto Gerhard, qui arrivait de Barcelone, Adolphe Weiss des Etats-Unis, etc., il fit de Josef Rufer son assistant.

En 1933, Schönberg enseigne à New York et à Boston ; en 1935 à l’Université de Californie du Sud. Le 1er juillet 1935, il signe pour deux ans un contrat avec UCLA, dont il dirige le département musique. Il sera renouvelé jusqu’en 1939 puis jusqu’en 1942. A 70 ans, en 1944, il se voit irrémédiablement contraint à prendre sa retraite. Mais compte tenu de la faiblesse de ses revenus, il dut se battre pendant les six ans qui lui restaient à vivre en donnant des leçons particulières et en honorant des petites commandes occasionnelles. Il enseigne jusqu’en 1949 au Collège des Dominicains à San Rafael.

PEINTRE

Schönberg cherche dans les années 1907-1910 de nouvelles façons de traduire ses visions intérieures, ne pouvant plus canaliser sa puissante volonté d’expression en une seule pratique artistique. Comme Zemlinsky pour la musique, c’est Richard Gerstl qui allait lui présenter les techniques de la peinture. Comme son mari, Mathilde devint aussi son élève et au-delà son modèle. Gerstl loua un atelier dans le même immeuble. Vassily Kandinsky entretiendra avec Schönberg une longue et fertile correspondance et attirera le compositeur à la Blaue Reiter. Avec la peinture, Schönberg se détourna des réalités de la vie et se retira dans un isolement total. En 1919, il se tourne vers l’aquarelle, alors qu’il ne compose plus rien. Il retrouve le crayon en juillet 1920, écrivant ses premières pages dodécaphoniques, fragments des op. 23 et 25. C’est le peintre russe Marc Chagall qui sera le témoin et parrain de son retour au judaïsme

DODECAPHONISME

Été 1921, Schönberg fait à son élève Rufer la remarque suivante : « J’ai fait la découverte qui assurera la suprématie de la musique allemande pour les cent ans à venir. » Il s’agit bien sûr de la méthode de composition avec douze sons, communément appelée technique dodécaphonique, qu’il élaborait depuis 1917

LE QUOTIDIEN

A Berlin (1925-1933) Schönberg mène une vie mondaine et fréquente le milieu artistique. « 1923-1924, j’ai recommencé à boire et j’ai fumé jusqu’à soixante cigarettes par jour, écrit-il en 1950. Pour pallier les conséquences d’un tel excès, j’agissais d’une façon stupide. Outre les liqueurs, je buvais chaque jour trois litres de café fort et je prenais de la codéine et du pantopone. Cela m’aidait un peu, même si au fond j’allais plus mal. Mais au cours de ma lune de miel à Venise, j’ai eu la volonté d’abandonner tous les excès énumérés précédemment ; grâce à quoi j’ai obtenu un répit qui a duré à peu près deux ans. » En 1926, à Berlin, son asthme le fait souffrir, même si c’est moins qu’auparavant. Elu au sénat de l’Académie, il obtient la nationalité prussienne.

L’ECRIVAIN

Schönberg a écrit plusieurs traités musicaux, le premier étant le Traité d’Harmonie en 1911, de nombreux articles sur le langage, la morale, la politique, le pouvoir, les majorités, le fascisme, la tonalité, le développement en musique, sur Bach et les douze sons, des articles polémiques contre le chef d’orchestre Carl Muck, le tout sera réuni en 1950 dans le livre Le Style et l’Idée. Il est également l’auteur de plusieurs textes sur le judaïsme et la question juive. Il réunit en un ouvrage Fondements de la composition musicale, ses cours donnés depuis 1937. L'ouvrage sera publié en 1948. En 1940, l’article Art and the Moving pictures est publié dans la revue California Arts and Architecture. En 1942, il rassemble un petit manuel de textes pédagogiques, Modèles pour débutants en composition, exemples traitant des problèmes de la mélodie, de l’harmonie et de la forme. Le 17 avril 1943, il commence à rédiger Master Copy Book.

BRICOLAGE

Bricoleur, le compositeur met au point un rastrál, plume permettant de tracer cinq lignes à la fois pour ses portées qu’il envoie à son éditeur américain Schirmer le 25 avril 1943.

POLITIQUE

Après une réunion houleuse présidée par le compositeur Max von Schillings qui déclara qu’il fallait briser l’influence juive, Schönberg démissionne le 20 mars 1933 de l’Académie de Prusse, demandant simplement l’exécution de son contrat qui expirait le 30 septembre 1935, le remboursement de ses frais de retour à Vienne et l’autorisation de transférer l’argent à l’étranger. Il quitte Berlin sur l’insistance de son beau-frère violoniste Rudolf Kolisch (1896-1978). Le 17 mai, il se rend à Paris. C’est là qu’il reçoit la lettre datée du 23 mai lui annonçant qu’il ne fait plus partie de l’Académie des Arts de Berlin. A Paris, la famille Schönberg descend à l’hôtel Régina, 192, rue de Rivoli. Elle y reste jusque fin juillet. Le 24, Schönberg met à exécution une résolution prise depuis de longues années : son retour au judaïsme. Dès le 4 mai 1923, il pressentait les événements de 1933, lorsqu’il écrivait à Kandinsky : « Mais à quoi l’antisémitisme aboutira-t-il, si ce n’est à la violence ? Est-ce si difficile de le prévoir ? » Les 12 et 13 juillet, il esquisse le plan d’un parti unique juif. Plus tard, en Amérique, ce plan allait constituer une partie du grand manuscrit concernant un Jewish Four Points Program. Plus tard encore, il écrit Forward to a Jewish Unitary Party, qui porte le date du 1er décembre 1933. La question juive suscita d’autres écrits, dont la lettre circulaire mentionnée plus haut.

ETATS-UNIS

Le 24 octobre 1933, Schönberg et sa famille quittent Paris pour Cherbourg où, le 25, ils embarquent à bord  du paquebot Ile-de-France. Le 31, ils débarquent à New York. Schönberg avait préalablement signé un contrat d’un an avec le Conservatoire Malkin de Boston et de New York. Il y enseignera jusqu’au 31 mai 1934. Le 15 septembre, ils quittent Chautauqua (Etat de New York) pour Hollywood (Californie) où ils aménagent le 1er octobre 1935. Il y donne des cours pour dix élèves, à un ou deux élèves privés et, pendant l’été, six semaines durant, il dispense deux leçons par jour à l’Université de Californie du Sud. Il avait refusé les cours que lui proposait la Juilliard School, craignant l’hiver new-yorkais.

GRAPHIE

C’est au cours de l’été 1933 qu’il abandonne la graphie gothique au profit de la latine et, le 16 septembre, à Arcachon, il signe Arnold Schoenberg une carte postale à ses amis Striedry, utilisant ainsi pour la première fois le oe internationalement employé au lieu de la voyelle ö.

THOMAS MANN

En 1945, Thomas Mann s’inspire de Schönberg pour créer son personnage d’Adrian Leverkühn dans son roman Docteur Faust. Le livre paraît à l’automne 1947 en allemand. Ce n’est qu’en 1948 que Schönberg apprend par la rumeur que ce roman a un rapport avec lui. C’est Alma Schindler-Werfel, ex-Mahler, qui sème la discorde entre les deux hommes en demandant à Schönberg de prendre position contre Docteur Faust. Mann adopte une attitude défensive qui excite la fureur de Schönberg. Le conflit éclate en février 1948 lorsque le compositeur envoie une lettre à l'écrivain à laquelle ce dernier répond le 17 février 1948. Le 25 novembre, Schönberg envoie une autre lettre, cette fois conciliante, puis il est pris par son travail de composition. En octobre, la polémique reprend de plus belle à la suite d’une requête du Saturday Review of Litterature, qui demandait à Schönberg ce qu’il pensait du Docteur Faust. Le musicien répond que le romancier lui avait extorqué sa propriété intellectuelle, tout en avouant ne pas avoir lu le livre mais se fiant à ce qu’il était censé contenir que par ouï-dire. Le 9 avril 1949, les deux hommes déjeunent ensemble. Le 2 janvier 1950, Schönberg répond à une lettre de Mann qui réconcilie définitivement les deux hommes.

Bruno Serrou
Octobre 1995

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